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3 janvier 2009

Bibliographie : « Entrer dans l'écrit » de Jacques Fijalkow

1. Présentation générale de l'ouvrage

Entrer dans l'écrit est paru en 1993 aux Éditions Magnard, dans la collection « Les guides Magnard ».

L'auteur, Jacques Fijalkow, reste méconnu auprès des enseignants du primaire, y compris, semble-t-il, chez les maîtres formateurs. La lecture de l'ouvrage et de la quatrième de couverture pourraient donner des indices quant à cette absence de notoriété :

- Jacques Fijalkow décline ses recherches sur plusieurs pays, ce qui l'a peut-être éloigné des IUFM où la théorie s'appuie essentiellement sur des théoriciens franco-français idéologiquement compatibles avec la pensée dominante qui y règne ;

- il décrit froidement certaines pratiques et pensées enseignantes avec un effet cruel, sinon comique, pour les enseignants hermétiques à l'autocritique et aux « nouveautés » pédagogiques ;

- il est psycholinguiste et décrit dans son ouvrage les rivalités existant entre les différentes disciplines s'occupant de l'acquisition de la langue écrite, par exemple entre la psycholinguistique et la pédagogie.

Le style est limpide, proche d'une conférence orale. Le texte est, hélas, truffé d'erreurs grammaticales plus ou moins graves. Écrire sur l'apprentissage du français écrit ne prémunit pas contre les erreurs d'écriture et M. Fijalkow DOIT trouver des relecteurs efficaces.

2. Troisième chapitre : la coûteuse rivalité interdisciplinaire

J. Fijalkow déclare que l'acquisition de la langue écrite est l'objet d'étude de trois disciplines (pédagogie, linguistique et psycholinguistique) dont les chercheurs ne s'entraident pas mais se tirent dans les pattes pour imposer leurs seules approches aux deux autres. Ca m'a pas mal éclairé sur l'omission de certaines théories sur l'apprentissage du français écrit à l'IUFM, sans doute repère d'adeptes conscients ou non de pédagogie unique. Et c'est dommage.

La pédagogie, nous narre Fijalkow, est divisée entre praticiens (C'est nous ! Enfin, schématiquement.) et formateurs (globalement représentés pour nous par leurs adeptes PIUFM). Il ne mentionne pas la force d'interposition hybride tiraillée entre les deux (CPC et maîtres formateurs). La pédagogie est pragmatique car elle est censée s'adapter au terrain, s'apprend sur ledit terrain (je précise : en théorie, car les observateurs théoriciens s'arrangent pour ne décrire que des classes qui « fonctionnent » normalement ou idéalement) et éprouve à ce titre une distance pour la théorie, reste normative, centrée sur la productivité exigée par les attentes de la société incarnée par les tests d'évaluation de niveaux (de la GS au master). Fijalkow ajoute qu'elle est idéologique au sens d'irrationnelle ou hermétique au raisonnement scientifique.

La linguistique étudie scientifiquement (et j'ajouterai méditativement) la structure de la langue. Fijalkow ne le mentionne pas, mais elle a inspiré des méthodes de lecture conceptuellement innovantes et intéressantes mais foireuses dans les années 1960 (Gilabert (1992), Apprendre à lire en maternelle).

La psycholinguistique étudie scientifiquement la gestion de la langue par les humains. Fijalkow est psycholinguiste et précise honnêtement que chacune des trois disciplines présentées croit être prépondérante pour théoriser l'apprentissage de la langue écrite.

3. Quatrième chapitre : l'élève en difficulté

J. Fijalkow démontre ici que ce n'est pas tant l'apprentissage du français écrit qui pose problème qu'un profil d'élève rencontrant des difficultés générales au cycle 2. Il présente des dispositifs très intéressants pour compenser ces difficultés.

4. Chapitres cinq à onze : « apprentissages socio-constructivistes » et nouvelles théories sur l'apprentissage de la langue écrite

Sans mentionner, je crois, l'expression « socio-constructiviste », J. Fijalkow présente les dernières approches théoriques sur l'apprentissage, la posture ou attitude du maître, les évaluations, etc., en vogue dans les IUFM. Il a fallu tant de temps pour entendre divulguer dans les IUFM ce que toutes les formations d'enseignants dispensent depuis plusieurs années dans plusieurs pays étrangers !

Fijalkow agrémente ses arguments de conseils pratiques. Le cinquième chapitre présente des dispositifs d'apprentissage pour la première année d'élémentaire. Ils me paraissent très inspirés de ce qui se pratique dans les maternelles françaises. Différents types d'ateliers avec leurs avantages et leurs inconvénients.

Le sixième chapitre revient sur un concept qui m'a totalement échappé durant des années et qui m'échappe encore parfois, à ma grande honte, car j'ai connu bien des déboires en classe pour le méconnaître : les compétences ne se transmettent pas. J'ai failli écrire « les connaissances ne se transmettent pas », lapsus révélateur. La nuance est que si certains élèves ou nous-mêmes sommes capables d'assimiler une connaissance dès sa présentation, ça n'est d'abord pas le cas de tous et ça ne garantit pas non plus l'acquisition et la stabilisation de compétences. Un écho complètement absent durant mon année de formation initiale à l'IUFM.

Le septième chapitre présente les rapports entre l'apprentissage de la lecture et celui de l'écriture. Captivant pour un ignorant comme moi.

Les huitième et neuvième chapitres expliquent ce qu'Hélène Gilabert et d'autres présentent comme les théories modernes sur l'apprentissage de la lecture. Dépassées, les méthodes globales et syllabiques. Enterrées et vidées de sens. Elles ne composaient que quelques compétences nécessaires au lecteur. Les nouvelles méthodes de lecture s'appuient sur les compétences du lecteur confirmé. Par exemple, compétences sensorielles (discrimination visuelle des lettres et des mots, auditive des sons et des syllabes), sociales (savoir à quoi sert la langue écrite), etc. Fijalkow ne décrit pas ces compétences mais insiste sur ce que la psycholinguistique a apporté pour développer ces nouvelles théories.

Les dixième et onzième chapitres abordent les attitudes/comportements et les types d'évaluation attendus du maître pour compléter les apprentissages socio-constructivistes, les modes de partenariat avec les parents, l'auto-formation.

5. Opinion personnelle

Tout préfigure l'école française, du moins l'enseignant français qu'on peut souhaiter au XXIe siècle.

J'ai été touché par certains passages décrivant mes expériences, positives et négatives, en classe. Peut-être que la lecture de cet ouvrage n'atteindrait pas un enseignant débutant. Il décrit pourtant tout ce que je suis parvenu à devenir, après des années de formation de terrain en classes banales ou spécialisées, élémentaires ou maternelles. Mieux, il va au-delà et m'ouvre des perspectives d'innovation et d'adaptation en classe pour améliorer, qualitativement et quantitativement, les apprentissages de mes élèves.

J'ai beaucoup aimé lire et relire ce livre. Merci, M. Jacques Fijalkow, regrettable oublié des IUFM.

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Commentaires
C
En voilà un que je lirai bien alors... quand tu ne l'utiliseras plus !
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